
Majoie Magazine a rencontré « Louis » (nom d’emprunt), un homme vivant avec le VIH depuis plusieurs années. Son témoignage poignant et anonyme nous plonge au cœur d’une réalité souvent stigmatisée, entre espoir scientifique et reconstruction personnelle.
Majoie Magazine : Louis, merci de nous accorder cet entretien. C’est un acte de courage de partager votre histoire, même sous couvert d’anonymat. Pouvez-vous nous raconter votre vie avant le diagnostic ?
Louis : Avant le diagnostic, j’étais un jeune homme insouciant, plein d’énergie et de projets. J’avais une vie sociale riche, un travail que j’aimais, une famille aimante. J’étais étudiant en architecture, passionné par le design et la création d’espaces. J’avais des amis formidables, avec qui je partageais tout : les joies, les peines, les rêves, les sorties. J’avais une petite amie, avec qui je voyais un avenir radieux. On parlait de mariage, d’enfants, de voyages. On était jeunes, amoureux et pleins d’espoir.
J’étais naïf, je l’avoue. Je ne me protégeais pas toujours lors de mes relations sexuelles. Je pensais que le Sida, c’était une maladie qui touchait les autres, pas moi. J’étais inconscient des risques, je ne me sentais pas concerné. Je pensais que ça n’arrivait qu’aux autres.
J’étais un peu fêtard, j’aimais sortir, danser, boire un verre avec mes amis. J’étais jeune, je voulais profiter de la vie. Je ne me rendais pas compte des conséquences de mes actes. J’étais insouciant, je vivais au jour le jour, sans penser au lendemain.
J’avais des projets plein la tête. Je voulais devenir un architecte reconnu, créer des bâtiments innovants, améliorer la vie des gens. Je voulais voyager, découvrir le monde, apprendre de nouvelles cultures. Je voulais fonder une famille, avoir des enfants, leur transmettre mes valeurs.
J’étais heureux, épanoui et confiant en l’avenir. Je ne me doutais pas que ma vie allait basculer du jour au lendemain. Je ne me doutais pas que j’allais être confronté à la maladie, à la stigmatisation, à la solitude. Je ne me doutais pas que j’allais devoir me battre pour survivre.
Majoie Magazine : Comment avez-vous appris votre séropositivité ? Quel a été votre premier sentiment ?
Louis : C’était lors d’un don de sang, tout simplement. J’étais un donneur régulier, je voulais faire une bonne action. Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un appel du centre de transfusion. On m’a demandé de venir pour des examens complémentaires. J’ai senti que quelque chose n’allait pas, mais je n’imaginais pas une seconde que j’étais séropositif.
Le jour du rendez-vous, le médecin m’a annoncé la nouvelle. C’est comme si le monde s’écroulait autour de moi. J’ai eu l’impression de recevoir un coup de poing en plein visage. J’étais abasourdi, incapable de réagir. J’ai cru que c’était une erreur, que les résultats avaient été inversés.
Mon premier sentiment, c’était la peur. La peur de la mort, la peur de la maladie, la peur de souffrir. J’avais l’impression que ma vie était finie, que je n’avais plus d’avenir. J’imaginais le pire : la dégradation physique, les traitements lourds, la souffrance, la mort.
Ensuite, c’est venu la honte. La honte d’avoir été imprudent, la honte d’avoir contracté cette maladie. Je me sentais coupable, responsable de ce qui m’arrivait. J’avais l’impression d’avoir déçu ma famille, mes amis, ma petite amie.
Enfin, c’est venu la colère. La colère contre moi-même, la colère contre le destin, la colère contre le monde entier. Je ne comprenais pas pourquoi ça m’arrivait à moi. Je me sentais injustement puni.
J’ai pleuré, j’ai crié, je me suis révolté. J’ai refusé d’accepter la réalité. J’ai nié la maladie, j’ai espéré que tout ça n’était qu’un mauvais rêve.
Majoie Magazine : Comment votre entourage a-t-il réagi à l’annonce de votre séropositivité ?
Louis : C’est là que les choses ont commencé à se compliquer sérieusement. La réaction de mon entourage a été… mitigée, pour rester poli. Ma petite amie, avec qui je me voyais construire un avenir, m’a quitté du jour au lendemain. Sans explication, sans un mot de réconfort. Juste un SMS laconique : « Je ne peux pas gérer ça ». J’ai été dévasté. J’ai compris que la maladie avait brisé notre couple, que notre amour n’était pas assez fort pour surmonter cette épreuve.
Mes amis, certains sont restés, d’autres ont pris leurs distances. Ceux qui sont restés ont été formidables, ils m’ont soutenu, ils m’ont écouté, ils m’ont aidé à surmonter les moments difficiles. Mais je sentais une gêne, une appréhension. Ils avaient peur de me toucher, de me contaminer. Ils ne savaient pas comment se comporter avec moi.
Ceux qui ont pris leurs distances, je les ai compris. Ils avaient peur, ils étaient mal informés, ils ne savaient pas comment réagir. Mais ça m’a blessé, ça m’a fait sentir seul, isolé.
Ma famille… C’est là que ça a été le plus douloureux. Mes parents ont eu du mal à accepter la nouvelle. Ils étaient désemparés, ils ne savaient pas comment m’aider. Ils avaient honte, ils avaient peur du regard des autres. Ils ont essayé de me cacher à leurs amis, à leurs voisins.
Mon père a eu une réaction violente. Il m’a reproché mon imprudence, il m’a insulté, il m’a dit que j’avais gâché ma vie. Il a refusé de me parler pendant des semaines.
Ma mère, elle, a été plus compréhensive. Elle a pleuré, elle m’a serré dans ses bras, elle m’a dit qu’elle m’aimais. Mais je sentais sa tristesse, sa déception. Elle avait peur pour moi, elle avait peur de me perdre.
Mes frères et sœurs ont été formidables. Ils m’ont soutenu, ils m’ont encouragé, ils m’ont aidé à me battre. Ils ont été mon pilier, mon refuge. Ils m’ont prouvé que l’amour familial était plus fort que tout.
Mais malgré tout ce soutien, je me sentais seul. Seul face à la maladie, seul face à la stigmatisation, seul face à la mort. J’avais l’impression d’être un paria, un pestiféré.
Majoie Magazine : Vous parlez de stigmatisation. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de situations où vous l’avez ressentie ?
Louis : La stigmatisation, c’est le pire. C’est une blessure invisible, mais qui fait très mal. C’est le regard des autres, les jugements, les préjugés, les discriminations.
J’ai été confronté à la stigmatisation à plusieurs reprises. Au travail, par exemple. J’ai dû démissionner de mon poste d’architecte, car mes collègues ne voulaient plus travailler avec moi. Ils avaient peur de me contaminer, ils me traitaient comme un pestiféré. J’ai été mis à l’écart, isolé, harcelé. C’était insupportable.
Dans la vie sociale, c’était pareil. Les gens avaient peur de me toucher, de me serrer la main, de partager un verre avec moi. Ils me regardaient avec suspicion, avec dégoût. J’ai été exclu des soirées, des sorties, des activités de groupe. J’ai perdu beaucoup d’amis, qui ne voulaient plus me fréquenter.
Dans le domaine médical, c’était parfois pire. Certains médecins, certains infirmiers refusaient de me soigner, par peur de se contaminer. J’ai été mal traité, humilié, discriminé. J’ai été confronté à l’ignorance, aux préjugés, à la bêtise.
J’ai même été victime de discrimination lors de ma recherche de logement. Certains propriétaires refusaient de me louer un appartement, car j’étais séropositif. Ils avaient peur que je contamine les autres locataires, que je dégrade leur bien.
La stigmatisation, c’est une violence sourde, insidieuse, qui vous ronge de l’intérieur. C’est une atteinte à votre dignité, à votre humanité. C’est une exclusion sociale, une marginalisation. C’est une souffrance morale, psychologique, qui peut vous pousser au suicide.
J’ai dû me battre contre la stigmatisation tous les jours de ma vie. J’ai dû me justifier, me défendre, me protéger. J’ai dû prouver que j’étais un être humain comme les autres, que j’avais le droit de vivre, d’aimer, de travailler, de me loger.
Majoie Magazine : Vous avez évoqué l’abandon de votre famille. Comment avez-vous vécu cette épreuve ?
Louis : L’abandon de ma famille, c’est la blessure la plus profonde. C’est une douleur qui ne s’efface jamais. C’est un vide immense, un manque irréparable.
J’ai été élevé dans une famille aimante, unie, soudée. J’ai toujours eu le soutien de mes parents, de mes frères et sœurs. On était très proches, on se voyait souvent, on se téléphonait tous les jours. On partageait tout : les joies, les peines, les succès, les échecs.
Quand j’ai annoncé ma séropositivité, tout a basculé. Mes parents ont eu du mal à accepter la nouvelle. Ils ont eu honte, ils ont eu peur du regard des autres. Ils ont essayé de me cacher à leurs amis, à leurs voisins.
Mon père a eu une réaction violente. Il m’a reproché mon imprudence, il m’a insulté, il m’a dit que j’avais gâché ma vie. Il a refusé de me parler pendant des semaines.
Ma mère, elle, a été plus compréhensive. Elle a pleuré, elle m’a serré dans ses bras, elle m’a dit qu’elle m’aimais. Mais je sentais sa tristesse, sa déception. Elle avait peur pour moi, elle avait peur de me perdre.
Au final, mes parents ont fini par me rejeter. Ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient plus me voir, qu’ils ne pouvaient plus me supporter. Ils m’ont demandé de partir, de quitter la maison familiale.
J’ai été anéanti. J’ai eu l’impression de perdre tout ce qui comptait pour moi. J’ai perdu ma famille, mon foyer, mon identité. J’ai été jeté à la rue, sans ressources, sans soutien.
Majoie Magazine : Comment vivez-vous au jour le jour avec le VIH ? Quels sont les défis que vous rencontrez ?
Louis : Vivre avec le VIH, c’est un combat quotidien. C’est une gestion constante de la maladie, des traitements, des effets secondaires. C’est une vigilance permanente, une adaptation constante.
Je prends mes médicaments tous les jours, à heure fixe. Je dois respecter scrupuleusement les doses, les horaires, les consignes. Je dois faire attention à mon alimentation, à mon hygiène de vie. Je dois éviter le stress, la fatigue, les infections.
Les traitements ont des effets secondaires parfois difficiles à supporter. J’ai des nausées, des vomissements, des diarrhées, des maux de tête, des douleurs musculaires. J’ai des problèmes de peau, des troubles du sommeil, des troubles de l’humeur.
Je dois faire des examens réguliers, pour surveiller l’évolution de la maladie, l’efficacité des traitements, l’apparition de complications. Je dois aller voir mon médecin tous les mois, pour faire le point, pour adapter les traitements, pour obtenir des conseils.
Je dois faire face à la fatigue, à la perte d’énergie, à la baisse de moral. J’ai des moments de découragement, de désespoir, de dépression. J’ai envie d’abandonner, de tout laisser tomber.
Je dois me battre contre la stigmatisation, contre les préjugés, contre les discriminations. Je dois me justifier, me défendre, me protéger. Je dois prouver que je suis un être humain comme les autres, que j’ai le droit de vivre, d’aimer, de travailler, de me loger.
Je dois gérer ma vie sociale, ma vie amoureuse, ma vie professionnelle. Je dois faire des choix difficiles, prendre des décisions importantes. Je dois composer avec la maladie, avec ses contraintes, avec ses limites.
Majoie Magazine : Vous avez dû déménager pour trouver un travail. Pourquoi ?
Louis : Après avoir été licencié de mon poste d’architecte, j’ai eu beaucoup de mal à retrouver un emploi. Les employeurs étaient réticents à m’embaucher, à cause de ma séropositivité. Ils avaient peur de me contaminer, ils avaient peur des réactions des autres employés, ils avaient peur des problèmes d’assurance.
J’ai envoyé des centaines de CV, j’ai passé des dizaines d’entretiens. Mais à chaque fois, c’était la même réponse : « Nous sommes désolés, mais nous ne pouvons pas vous embaucher ». J’ai été confronté à la discrimination, à l’injustice, à l’exclusion.
J’ai fini par me décourager. J’ai perdu confiance en moi, j’ai perdu l’espoir de retrouver un travail. J’ai sombré dans la dépression, j’ai pensé au suicide.
Un jour, j’ai décidé de tout changer. J’ai décidé de quitter ma ville, de déménager dans une autre région, où personne ne connaissait mon histoire. J’ai pensé que c’était la seule façon de recommencer à zéro, de retrouver un travail, de reconstruire ma vie.
J’ai vendu tout ce que je possédais, j’ai fait mes valises, j’ai dit au revoir à mes amis. Je suis parti, sans regrets, sans espoir.
J’ai trouvé un petit appartement dans une ville inconnue, j’ai commencé à chercher du travail. J’ai caché ma séropositivité, j’ai menti sur mon passé. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour me faire accepter, pour me faire embaucher.
Finalement, j’ai trouvé un emploi dans une petite entreprise de construction. J’ai été embauché comme dessinateur, un poste moins prestigieux que celui d’architecte, mais qui me permettait de gagner ma vie.
Majoie Magazine : Vous songez même à faire de la chirurgie esthétique. Pourquoi ?
Louis : Les traitements antirétroviraux ont fait des progrès considérables, c’est indéniable. Mais ils laissent parfois des traces, des stigmates physiques qui rappellent constamment la maladie. Chez moi, ça se traduit par une lipodystrophie, une redistribution des graisses qui creuse mes joues et me donne un air maladif, fatigué.
Je sais que c’est superficiel, que l’important est d’être en bonne santé. Mais ce visage, c’est un rappel constant de la maladie. C’est un miroir qui me renvoie une image de souffrance, de vulnérabilité. C’est un obstacle à ma reconstruction, à ma réinsertion sociale.
Je veux me débarrasser de ce stigmate, je veux retrouver un visage normal, un visage qui ne trahisse pas mon histoire. Je veux me sentir plus à l’aise dans mon corps, plus confiant dans mes relations avec les autres.
J’ai consulté mon médecin, il est ouvert à cette idée. Il m’a dit que c’était possible, que la chirurgie esthétique pouvait améliorer mon apparence, mon moral, ma qualité de vie. Il m’a conseillé de me renseigner, de choisir un chirurgien compétent, de bien peser le pour et le contre.
Je sais que c’est une décision importante, que ce n’est pas une solution miracle. Mais je crois que ça peut m’aider à tourner la page, à me reconstruire, à retrouver une vie normale.
Je veux me sentir beau, je veux me sentir désirable, je veux me sentir vivant. Je veux me débarrasser de ce poids, de cette honte, de cette souffrance.
Majoie Magazine : Avec les avancées de la science, gardez-vous espoir de guérison ?
Louis : L’espoir, c’est ce qui me fait tenir. C’est ce qui me permet de me lever tous les matins, de me battre contre la maladie, de continuer à vivre.
Je suis les avancées de la science de près. Je lis les articles, je regarde les reportages, je me tiens informé des dernières découvertes. Je sais que la recherche avance à grands pas, que des traitements innovants sont en cours de développement, que des essais cliniques sont prometteurs.
Je crois en la guérison. Je crois qu’un jour, on trouvera un moyen d’éradiquer le VIH, de guérir les personnes séropositives. Je crois que la science va triompher de la maladie.
Je sais que ça prendra du temps, que ce ne sera pas facile. Mais je suis patient, je suis persévérant, je suis confiant. Je suis prêt à attendre, à me battre, à espérer.
Je participe à des études, je donne mon sang, je partage mes données. Je veux contribuer à la recherche, je veux aider les scientifiques à trouver un remède.
Je suis optimiste, je crois en l’avenir. Je crois que ma vie va s’améliorer, que je vais retrouver la santé, que je vais pouvoir réaliser mes rêves.
Je sais que je ne suis pas seul. Il y a des millions de personnes séropositives dans le monde, qui se battent comme moi, qui espèrent comme moi. On est une communauté, on se soutient, on s’encourage, on se donne de la force.
En attendant la guérison, je vis au jour le jour. Je profite de chaque instant, je savoure chaque bonheur, je surmonte chaque difficulté. Je suis vivant, je suis fort, je suis courageux.
Majoie Magazine : Quel message aimeriez-vous adresser aux jeunes d’aujourd’hui ?
Louis : Faites attention ! Le Sida n’est pas une maladie du passé, elle est toujours là, elle continue de faire des ravages. Protégez-vous, utilisez des préservatifs, faites-vous dépister régulièrement. Ne soyez pas naïfs, ne soyez pas imprudents, ne pensez pas que ça n’arrive qu’aux autres.
Le Sida, c’est une maladie grave, qui peut vous gâcher la vie. C’est une maladie qui vous isole, qui vous stigmatise, qui vous tue.
Ne prenez pas de risques inutiles, ne mettez pas votre vie en danger. Pensez à votre avenir, à vos rêves, à vos proches.
Informez-vous, éduquez-vous, parlez-en avec vos amis, avec vos parents, avec vos médecins. Ne restez pas dans l’ignorance, ne vous laissez pas influencer par les préjugés, ne croyez pas aux fausses informations.
Soyez responsables, soyez solidaires, soyez respectueux. Soutenez les personnes séropositives, luttez contre la stigmatisation, combattez les discriminations.
Le Sida, c’est l’affaire de tous. Ensemble, on peut vaincre la maladie, on peut protéger la vie, on peut construire un avenir meilleur.
Majoie Magazine : Louis, merci infiniment pour votre témoignage. Votre courage est une source d’inspiration.
Louis : Merci à vous de m’avoir donné la parole. J’espère que mon histoire pourra aider d’autres personnes, qu’elle pourra sensibiliser les jeunes, qu’elle pourra faire changer les mentalités.